EST-IL POSSIBLE DE RÉGULER L'ENSEIGNEMENT DE L'ISLAM DANS LA RÉGION DE L'EXTRÊME-NORD ?
Les nombreuses dérives observées dans les écoles coraniques font penser à une réforme de l’enseignement de l’islam dans la région de l’Extrême-Nord..
Dans certaines régions du monde, comme en Afrique noire, et surtout les zones qui ont connu très tôt la présence de l’islam, le système éducatif implique de prendre en compte l'enseignement des principes islamiques. Au Cameroun et particulièrement dans la région de l'Extrême-Nord, l'islam est enseigné aussi bien dans les écoles coraniques que dans les autres instituts secondaires et supérieurs, les écoles franco-arabes et les collèges privés islamiques. Il faut d’ores et déjà noter que l'école coranique est la toute première structure considérée comme socle de l'éducation islamique dans la région de l'Extrême-Nord. Elle est le pilier du système éducatif, souvent le principal moyen de scolarisation et d'éducation dont le seul but est de former "un bon musulman". Néanmoins, Une observation minutieuse de ces différentes structures d'enseignement de l'islam, nous permet de relever des défauts d'encadrement, du suivi, de coordination et de contrôle d'enseignement. Précisément dans les écoles coraniques, il existe quelques défauts pouvant justifier la question de régulation de l'enseignement de l'islam. En effet, les apprenants font une mauvaise interprétation des saintes écritures et adoptent des comportements qui selon eux sont édictés par la religion musulmane pourtant il n’en est rien. Toujours en se basant sur des écrits mal interprétés, l’on assiste à la rétention à la maison de ceux qui sont en âge d’être scolarisés. La mal interprétation du coran par les apprenants cause d’énormes tords à la jeunesse et même à la société toute entière d’où la nécessité de reformer et réorganiser le secteur.
Un chef religieux donnant des orientations aux Imams
Pour reformer l’enseignement de l'islam, il va falloir accorder à l'école coranique et aux instituts privés (Maahad), une reconnaissance formelle et valoriser les contenus religieux dans le cursus de l'enseignement confessionnel intégré au programme officiel respectif de chaque institution. Le Secrétariat à l'Education islamique qui est un organe du MINEDUB (Ministère de l’Education de Base), en charge des affaires éducatives concernant l'enseignement islamique dans les écoles franco-arabes doit être impliqué avec une nouvelle feuille de route visant la régulation et le contrôle des enseignements islamiques. D’un autre côté, nous avons l'amélioration des conditions de précarité des apprenants et des enseignants des écoles coraniques qui est un aspect essentiel pour faire asseoir un processus enseignement-apprentissage bien-fondé de l'islam dans la région de l'Extrême-Nord. C’est par exemple le cas de l'Observatoire Régional pour la Tolérance et la Paix (ORTP) qui lors d'une visite de travail sur les écoles coraniques à Bogo en juillet 2019, s'est engagé à soutenir quelques écoles coraniques en matière d'infrastructure notamment la construction des hangars et l'électrification des espaces d'apprentissage.
L'implication de l'Etat dans les activités de ces institutions est d'une importance capitale dans la mesure où elle permettrait de redonner une nouvelle face à ces institutions souvent soupçonnées de ravitailler le groupe armé Boko Haram en soldats.
On peut tout de même relever une certaine différence dans les enseignements dispensés dans les écoles franco-arabes et les collèges privés islamiques. Deux disciplines y sont enseignées, l’islam et la théologie. A cet effet, il serait important d'avoir un programme commun pour tous les établissements où le dogme, les valeurs sociales, le vivre ensemble, et la jurisprudence islamique feront des principaux modules d'enseignement pour une seule discipline officiellement reconnue dans le quota de l'enseignement islamique.
Un instant de prière d’un enfant de Gazawa
Par ailleurs, la formation et le recyclage des maitres coraniques s'avèrent être un impératif dans cette initiative de formalisation de programme et de contrôle de l'enseignement de l'islam. Ces maîtres coraniques qui sont considérés comme des boussoles sociales dans leurs communautés, sont des formateurs sans formation. D'où la nécessité de prendre de nouvelles initiatives de formation et recyclages de ces derniers afin de prévenir l'extrémisme violent et la radicalisation des jeunes. Et en même temps, permettre aux apprenants de recevoir des connaissances de qualité.
En effet, il incombe aux services compétents de l'Etat, aux organismes internationaux en charge de l'éducation d'offrir une formation complète concernant le vivre-ensemble, les valeurs sociales ainsi que la promotion de la paix. Dans ce sens, l'on note les efforts du PNUD à travers des activités avec les maitres coraniques. Au cours d’un atelier par exemple, le PNUD a abordé le thème : «Des enseignants des écoles coraniques outillés pour la prévention de l'extrémisme violent». L'objectif de cet atelier était de faire de ces conseillers communautaires coraniques de véritables promoteurs de la cohabitation pacifique entre personnes des différentes ethnies, religions et professions, et des vecteurs de l'épanouissement du patriotisme Camerounais. Une telle démarche de formalisation de programme et de formation requiert d’énormes efforts.
En outre, le manque d'activités génératrices de revenus de la part de ces maîtres coraniques, constitue un facteur de vulnérabilité à la radicalisation. Il faudra ainsi penser à financer un certain nombre de projets de ces maîtres coraniques afin de les rendre autonomes pour qu’ils puissent s’occuper exclusivement de la formation des jeunes camerounais.
Enfin, l'éducation islamique au Cameroun et particulièrement dans la région de l'Extrême-Nord a connu une certaine tentative de réforme. Les premières initiatives ont abouti à la naissance des écoles franco-arabes et les collèges privés islamiques. La seconde phase vise cette régulation de l'enseignement de l'islam. Pour une bonne prise de celui-ci dans la région de l'Extrême-Nord, il faut impérativement que les jeunes apprenants de l'école coranique en âge d’être scolarisés soient régulièrement inscrits dans une école du système d'éducation nationale afin de lutter contre l'extrémisme violent.
Loin d'être un creuset de terrorisme, l'école coranique est le complément d’éducation qu’il faut pour avoir un citoyen musulman camerounais accompli qui participe de manière active au développement du pays. L'uniformisation des enseignements, la formation et le recyclage des enseignants constituent une base pour avoir un enseignement de l'islam bien configuré aux exigences de la société moderne.
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