LE ZOUA-ZOUA RÈGNE EN MAITRE A MAROUA

Le carburant en provenance du Nigéria voisin s’impose par sa disponibilité et son bas prix.

 

L’importation des produits étrangers au Cameroun est devenue accrue. D’après les statistiques les plus récentes, le taux d’importation est supérieur au taux d’exportation dans le pays. A l’Extrême-Nord, plusieurs produits sont importés à l’instar du carburant de provenance nigériane dont on dit "frelaté", vulgairement connu sous l’appellation de "zoua-zoua". Malgré la fermeture hermétique des frontières nigérianes et surtout l’interdiction de la vente de ce carburant en raison des dangers que cela représente, le zoua-zoua réussit à passer entre les mailles et dicter sa loi.

Ce carburant de coloration jaunâtre est Transporté par voie terrestre (voiture, moto, tricycle, bicyclette) et fluviale. Son déchargement dans les magasins n’est pas soumis à la réglementation en vigueur et ne respecte pas la mise en place d'un protocole de sécurité de transport qui, pourtant, est obligatoire et doit être observé avec chacun des transporteurs qui livrent du carburant. En effet, Le protocole de sécurité est un document qui renseigne sur le lieu de vente, l’entrée et la sortie que doit emprunter le livreur, le sens de circulation, le lieu de dépotage et le positionnement des extincteurs et bacs à sable.

 Le "zoua-zoua’’ incontournable à Maroua

A Maroua, la commercialisation du «zoua-zoua» est illégale comme partout sur le territoire Camerounais. Néanmoins elle a recruté bon nombre de personnes au fil des années dans cette ville. On retrouve des commerçants en bordure de route qui proposent ce carburant de contrebande dans des bouteilles de 1 ou 1.5 litres pour 350 ou 400 FCFA voire plus ou moins. Par conséquent, il peut arriver que l’offre soit largement inférieure à la demande. On peut se rendre à l’évidence que même les véhicules les plus insoupçonnés stationnent pour s’approvisionner en carburant de contrebande.

Si le « zoua-zoua » se vend comme des petits pains dans la ville de Maroua, c’est qu’il satisfait les populations qui avec un faible pouvoir d’achat ne peuvent s’offrir le luxe de consommer le carburant à la pompe qui coute environ 654fcfa prix homologué. C’est le cas de Palé, menuisier métallique au pont Makabaye : « je suis consommateur de "zoua-zoua’’ depuis que j’ai acheté ma moto. Je consomme ce carburant par ce que son prix est à ma portée par rapport à celui de la station. Avec le "zoua-zoua" je n’ai pas de problème avec ma moto, elle roule normalement et il est très économique». Aussi, la disponibilité du "zoua-zoua’’ partout, jusqu’aux confins du village lui a permis de s’imposer.

A Maroua, le carburant de contrebande importé du Nigéria partage les étals avec un autre type dont la provenance serait des soutes et des réservoirs des camions siphonnés par des brigands qui opèrent pour la plupart de nuit.

Qu’est-ce qui pousse les populations à la pratique de cette activité ?

La vente illicite du carburant de contrefaçon est un moyen pour les adeptes de palier au problème de sous-emploi dans la région de l’Extrême-Nord et même dans le pays. Justifiant ainsi la présence d’une certaine catégorie de personnes dans ce secteur. Notamment celles ayant poussé avec les études. En effet, l’emploi se fait rare. A défaut de se lancer dans le grand banditisme beaucoup choisissent la vente du carburant qui malheureusement est illicite et interdite. On ne saurait donc les condamner mordicus. D’un autre côté, il y a des personnes qui y ont investi par obligation car n’ayant aucune qualification leur permettant d’avoir accès à un autre type d’emploi. C’est donc une activité qui malgré tout permet à de nombreuses familles de subvenir à leurs besoins vitaux : nourriture, soins de base et même les études des enfants. C’est le cas de Mamoudou vendeur de “zoua-zoua” au pont Makabaye : «Je suis vendeur au pont Makabaye. J’exerce ce métier depuis plus de 30 ans. La vente du carburant est ma principale activité et c’est un métier que j’ai embrassé parce qu’il me rapporte beaucoup sur le plan financier. Grâce au "zoua-zoua", je parviens à subvenir à mes besoins vitaux, je nourri ma famille, j’habille ma famille, je parviens à assurer la santé de ma femme et mes enfants quand ils sont malades et mes enfants vont à l’école». L’activité recrute également des mineurs ayant mis un terme à leur cursus scolaire pour se livrer à la vente de carburant dans la rue, à la recherche du pain quotidien.

Quels risques encourent vendeurs et consommateurs ?

La manipulation du carburant par les mains inexpertes est très dangereuse pour la sécurité des populations environnantes des lieux de vente et de stockage de ces produits interdits. L’essence "zoua-zoua’’ est un mélange très volatile, la concentration de vapeurs d'essence dans les poumons lors de la respiration entraine des effets neurologiques néfastes, comme des étourdissements et des maux de tête. Le coma et l'arrêt respiratoire comptent parmi les effets plus graves. Outre les effets respiratoire et cardiovasculaire, elles ont des effets cancérigènes sur la grossesse. De même les automobilistes consommateurs de ce type de carburant, encourent le risque d’endommager leurs moteurs non seulement parce qu’il n’est pas adapté mais aussi parce qu’il n’est pas raffiné. Malgré les effets néfastes de la qualité de ce carburant sur la santé humaine, sur l’environnement, et sur leurs engins, les populations continuent quand même à en consommer. Pour certains d’ailleurs, le “zoua-zoua” reste un carburant longtemps privilégié par ses fidèles consommateurs et vendeurs dans la ville de Maroua. C’est le cas de Souley Ori vendeur à Pitoaré face Hôtel de Ville pour qui, : « les effets néfastes du “zoua-zoua” sur la santé sont négligeables puisque les gens viennent acheter pour la recette de la grand mère, permettant de stimuler l’appétit, faciliter la digestion et soigner le mal de ventre en prenant quelques gouttes à jeun».

Que fait l’Etat camerounais pour lutter contre cette activité illicite à Maroua ?

Face à la perte croissante des ressources fiscales et douanières par l’Etat, le Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM) a créé une cellule de lutte contre le commerce illicite. Cette structure a des objectifs bien précis parmi lesquels la sensibilisation des opérateurs, de l’Etat et des consommateurs sur les effets du commerce illicite et les caractéristiques des produits contrefaits; la sensibilisation sur le procédé de saisie régulière, avec la collaboration de la douane des marchandises contrefaites. Cet organe n’a pas pu stopper le commerce illicite des produits à Maroua encore moins celui du carburant de contrebande qui jusqu’ici, prospère.

Il y a une vingtaine d’années, face à la témérité de la douane à interdire un produit qui se retrouve sur les étables à tout bout de rue, des affrontements entre les trafiquants de ce produit et les douaniers ont fait plusieurs morts et des dégâts matériels. Nombre d’agents de douanes qui s’interposaient à l’entrée de ce carburant en terre camerounaise ont trouvé la mort, ainsi que certains fraudeurs récalcitrants.

Aussi, en 2019 l’ancienne gare routière de Maroua abritant un dépôt de "zoua-zoua’’ a pris feu. Suite à ce désastre, l’on a assisté pendant une semaine à une vaste campagne de sensibilisation qui n’a vraiment pas eu d’effet. Ce même dépôt est fonctionnel aujourd’hui.

En effet, le gouvernement s’arrête à des discours et ne trouve pas de mesures alternatives pouvant dissuader les consommateurs de ce secteur. Tenez par exemple dans certains départements comme le Mayo Sava, le Mayo Kani et le Logone et Chari, on retrouve une seule station à pompe implantée dans le chef-lieu ne pouvant pas satisfaire tout le département jusqu’à dans les petits villages. La situation de précarité de nos populations et l’implication de nos autorités dans ces circuits huilés imposent la tolérance administrative. Les autorités ne peuvent donc pas se prononcer avec objectivité quant au commerce du carburant de contrebande à Maroua. 

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