LES RÉVÉLATIONS INATTENDUES DU PÈRE GEORGES VANDENBEUSCH
« Il y a un membre de Boko Haram qui a essayé de voir si je ne pouvais pas devenir musulman »
Le Prêtre français Georges Vandenbeusch officiait depuis trois ans comme curé de la paroisse de Nguétchéwé dans l’arrondissement de Mayo-Moskota, département du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord jusqu’à son enlèvement "spectaculaire" du 13 novembre 2013 par des membres de la secte islamiste nigériane Boko Haram. Il a été nuitamment conduit au Nigéria, précisément dans la forêt de Sambissa où il a fait deux mois de captivité. Après cet épisode douloureux, le curé, avec l’insistance de son diocèse de France, s’est résolu à rentrer chez lui. Non sans penser chaque jour à ses nombreux fidèles et amis de Nguétchéwé dont certains ont trouvé la mort entre temps.
Sa filiation avec cette petite paroisse l’amène à consacrer régulièrement quelques jours de ses vacances à la visite des siens, sur place même à Nguétchéwé. Au détour d’un voyage dans ce village, la Rédaction du Magazine Fadjiri l’avait croisé et il s’est ouvert à nos questions. Que de révélations !
Père Georges WANDEBEUSCH, désormais Curé de la Paroisse Saint Pierre et Saint Paul
de Courbevoie dans la Région parisienne.
Magazine Fadjiri : Mon père, pouvez-vous nous évoquer votre séjour en captivité dans le camp de Boko Haram?
Père Georges Vandenbeusch : Si j’en parle, c’est toujours avec en tête mes amis qui sont ici parce que certains s’en sont bien tirés mais pas tous. Dans ma paroisse de Nguétchéwé, il y a eu pas mal de personnes tuées dans l’année qui s’en est suivie. Et chaque fois que je fais de petites interventions, c’est toujours pour ceux qui sont là aujourd’hui afin qu’ils puissent vivre en paix. Parce que la paix n’est pas complètement revenue sur l’ancien territoire de ma paroisse.
À quoi vous occupiez-vous depuis votre libération le 31 décembre 2014 jusqu’à ce jour ?
Je suis rentré dans mon diocèse en France au lendemain de ma libération. Je suis curé d’une paroisse.
Et si cela était à recommencer, pouvez-vous revenir servir Dieu au Cameroun ?
Pourquoi pas. Je suis revenu l’an dernier, un peu très vite. Cette année, j’ai passé un peu beaucoup plus du temps. J’ai régulièrement des tas de coups de fil des amis de mon ancienne paroisse. Il y en a pas mal d’enfants que je suis pour les études. J’ai un projet de création d’un collège à Koza sur lequel je travaille beaucoup. Je reste en lien et très intéressé par les informations qui les concernent. Il y a les résultats du baccalauréat qui sont déjà là, j’essaie d’avoir les infos…
Aujourd’hui, beaucoup pensent que l’extrémisme est à la base de Boko Haram, est-ce ce que vous avez perçu chez vos geôliers d’hier ?
Il faut d’abord tirer les leçons de tout ce qui a précédé. Comme tout phénomène un peu nouveau, on est toujours lent à réagir. Il faut donc tirer les leçons à tous les niveaux pour que cela ne se reproduise plus. Après Boko Haram, ceci met en lumière pleins de défis parce que tout n’est pas que problème. Il y a certes des problèmes mais il y a aussi des défis pour toute la région de l’Extrême-Nord. Il faut traiter de l’ensemble de ces sujets en même temps. On ne peut pas mettre de côté les questions religieuses, politiques et de développement. Tout ceci est lié pour que la paix et le développement puissent advenir. Parce que depuis quatre ans, il y a pleins de projets de développement qui sont en pannes. Or, entre temps, la population grandit et les terres n’augmentent pas. Qu’est-ce que les jeunes vont cultiver ? Cela peut être explosif pour demain. Il y a des préoccupations et c’est aux hommes politiques et aux médias de s’intéresser à ces aspects.
Père Georges Vandenbeusch
Ce qu’ils m’ont donné à voir, ce n’est peut-être pas tout ce qu’ils ont dans le cœur. Il y a une dimension religieuse qui est quand même évidente dans ce qu’ils m’ont montré. Je sais qu’on a peur de la stigmatisation quand on dit ça. J’avais peur que par exemple, les chrétiens et les musulmans se scindent un peu à Nguétchéwé et Mozogo. Mais le fait qu’ils aient été victimes ensemble, notamment les attentats dans une mosquée à Kouyapé et Nguétchéwé et lors d’une grande nuit chrétienne.
Je pense par contre effectivement que quelques uns sont solvables. Ce n’est pas à moi de me prononcer à leur place. Je pense que cela vaut la peine d’essayer vis-àvis de quelques uns. Après, ce sera à eux de répondre. S’il y avait une solution magique pour transformer les cœurs, cela se saurait. Donc, il faut proposer, se battre un peu pour voir les réponses qui seront données. Je sais que c’est très laborieux. Cela ne marche pas très bien dans tous les pays qui ont essayé. Mais entre marcher pas très bien et marcher un peu, peut-être qu’il y a des petits chemins.
Georges Vandenbeusch, parmi les siens à Koza
Les membres de Boko Haram ont-ils tenté de vous convertir à l’Islam ?
On n’a pas eu d’entretien fleuve avec eux. Il me semble que dans l’ultimatum de Shekau, c’était que si les chrétiens restaient, ils devaient se convertir ou partir, sinon, c’est la mort. Il y a eu un moment où ils n’ont pas insisté beaucoup sur cet aspect-là durant ma captivité. Il y a un membre de Boko Haram qui a essayé de voir si je ne pouvais pas devenir musulman. Je leur ai dit qu’ils pouvaient continuer mais cela risquait de ne pas marcher. Ils ont quand même essayé de me convertir mais c’était très déconcertant. Il m’a semblé qu’il l’a fait parce qu’il se sentait obligé de le faire, sans beaucoup de conviction. Parce qu’il aurait pu être si rigoureux, virulent ou prendre tout le temps.
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commentaire (1)

Cé bien de savoir ce qui se passe de l'autre côté de l'extreme nord du cameroun, merci de m'avoir permis de toucher les réalités de mon pays