KODJI DELI, DÉLÉGUÉ RÉGIONAL DU TOURISME ET DES LOISIRS POUR L’EXTRÊME-NORD

« En 2019 on a constaté une timide relance avec la stabilité qui s’est installée, une reprise qui a été très vite stoppée par la crise sanitaire du covid-19 » 

Parmi les domaines affectés par l’insécurité causée par les actes barbares de la secte Boko Haram, le secteur du tourisme et des loisirs. Un secteur qui bat de l’aile depuis l’année 2013. Les agences de tourisme et les hôteliers ne font plus de recette. Les sites touristiques ne reçoivent plus de visiteurs et sont dans un état délabré. Les visiteurs nationaux et étrangers n’affluent plus. La situation est devenue d’autant plus précaire avec la crise sanitaire du Covid. Des crises sanitaire et sécuritaire qui ont laissé place à une relative accalmie qui fait envisager des stratégies de redécollage de l’activité touristique à l’Extrême-Nord. Pour y parvenir le Délégué Régional du Tourisme et des loisirs, Dr Kodji Deli se donne tous les moyens.

Dr KODJI DELI, Délégué Régional du Tourisme et des Loisirs pour l’Extrême-Nord

Magazine Fadjiri : Dr Kodji Deli, vous êtes le Délégué Régional du tourisme et des loisirs pour l’Extrême-Nord, comment se porte l’activité touristique à ce jour dans cette région, comparativement aux années d’embellie ?

Dr Kodji Deli : Merci de l’opportunité que vous me donnez de présenter la situation du tourisme dans la plus belle des régions. Les potentialités touristiques sont énormes ici et cela n’est plus à démontrer. Tout visiteur qui a parcouru la région de l’Extrême-Nord pourra donner ses appréciations par rapport à ces potentialités. Aujourd’hui, je dirais le tourisme va mal à l’Extrême-Nord. Depuis 2013 avec les exactions de Boko Haram, l’activité touristique a été négativement impactée. La région de l’Extrême-Nord a été déclarée zone rouge. Cela a limité le flux des touristes étrangers notamment les occidentaux qui pour la plupart du temps font 65 % de la recette du secteur du tourisme et des loisirs dans cette région. De 2013 jusqu’en 2019, en dehors des touristes qui sont venus dans le cadre des Organisations Non Gouvernementales, On n’a pas reçu de touristes étrangers dans le cadre de l’activité touristique en tant que tel. En 2019 on a constaté une timide relance avec la stabilité qui s’est installée, une reprise qui a été très vite stoppée par la crise sanitaire du Covid-19. Donc à présent l’effet cumulé de ses deux crises, l’une sécuritaire et l’autre sanitaire, a davantage plongé le secteur du tourisme et des loisirs dans une situation un peu précaire. Voilà la situation que traverse le tourisme à l’Extrême-Nord.

Quelles sont les difficultés que rencontrent les secteurs hôteliers ?

Les touristes ne voyagent plus, ce qui entraine d’énormes pertes chez les hôteliers notamment la chute de leur chiffre d’affaires. Leur personnel est également affecté en raison des recettes réduites qui ne permettent plus véritablement de les payer. Certains ont mis le personnel en chômage technique, d’autres les ont réduits. On peut dire qu’aujourd’hui les hôteliers sont sur le qui-vive. Tenez, ils n’arrivent pas à avoir les 50 % de ce qu’ils avaient auparavant. Pourtant les hôtels ont leurs charges d’entretien, de maintenance et de salaire. Le secteur touristique a aussi ses exigences de qualité qu’il faut toujours respecter. Et pour ce faire, il faut que l’entreprise génère de l’argent.

Qu’en est-il des agences de tourisme ? Les agences de tourisme sont pratiquement dans la même situation. Vous savez, leurs offres c’est généralement en matière de transport et de guide. Du coup quand il n’y a pas des arrivées de touristes, ils sont impactés. Imaginez-vous une agence avec une dizaine de véhicules de location qui ont besoin d’entretien alors qu’elle ne génère aucune entrée. Cela constitue une double charge à l’agence. Elles sont donc obligées de liquider et maintenir deux ou trois.

Et les sites touristiques, y’a-t-il des descentes sur le terrain question de s’enquérir de leur état ? Effectivement chaque année on fait un état des lieux pour savoir ce qui existe et cela nous permet d’actualiser chaque année l’état des sites. Il y a des nouveaux sites qui entrent dans le répertoire. Les sites touristiques sont entretenus avec les recettes issues du tourisme. Aujourd’hui les sites sont abandonnés. Notamment les sites de RHUMSIKI qui est le fleuron et le campement de WAZA. Ces différents sites sont carrément abandonnés donc délabrés. Il y a autant d’autres sites qui sont à l’abandon. Les populations y ont bâti des maisons et d’autres les activités champêtres y sont exécutées. Bien qu’on n’ait pas la capacité de contrôler tout cela, nous effectuons des descentes chaque année et procédons à une actualisation par rapport aux différents sites.

Quelles sont les solutions envisagées afin d’espérer un redécollage du secteur du tourisme ?

Des solutions sont effectivement envisagées sur l’impulsion du Ministre d’Etat ministre du Tourisme et des Loisirs, BELLO BOUBA MAÏGARI qui a pris comme initiative de riposte à la situation actuelle, le développement du tourisme interne. Alors il faudrait qu’on s’habitue à ne plus attendre que les touristes étrangers viennent. Que les camerounais développent notre tourisme comme le font les autres pays. A l’exemple de la France où le tourisme interne représente plus de 65% des recettes du tourisme. Ce développement ne se fera qu’au prorata d’un certain nombre d’investissement. Déjà, Nous facilitons l’accès aux nationaux sur les différents sites. C’est la première mesure qui a été initiée par le Ministre d’Etat. Au niveau de la région, nous pourrons implémenter ces initiatives par la mise en place des clubs tourisme au sein des établissements secondaires et universitaires. Tout ceci pour la relance de la promotion des activités de tourisme à travers les excursions au niveau des services. Parce qu’il faut le dire, les Camerounais ne connaissent pas leur région et il faut les inciter en réalité à développer en eux cette envie de découvrir.

Que faites-vous justement pour inciter les Camerounais à découvrir ?

On facilite un certain nombre de choses. La Délégation Régionale et les délégations départementales facilitent déjà l’accès aux sites et le séjour dans les établissements hôteliers. Naturellement, les médias font aussi partie des stratégies. Lorsqu’il faut rassurer les populations quant à la question sécuritaire nous avons recours aux journalistes. Parce qu’il faut faire comprendre aux populations que l’insécurité est un peu derrière nous et qu’il faut reprendre le cours de la vie. Je pense que l’information passera mieux par les médias. En 2019, cette stratégie a été expérimentée quand les touristes russes sont arrivés. Nous avons organisé une campagne médiatique. Cela permet de montrer à la face du monde que l’insécurité est derrière nous et c’est une stratégie qu’on met en marche chaque fois qu’il y a des visiteurs.

Nous organisons aussi des colonies sur le plan national. Avec la décentralisation je pense qu’il est possible et important de les organiser au niveau des régions voire au niveau des départements. Cela permettrait après trop de distanciation de se rapprocher. Car pour le cas de l’Extrême-Nord, on parlerait de double crise d’abord la secte Boko Haram et puis la crise sanitaire qui a creusé l’écart de distanciation. Il est important de revenir au brassage d’antan, ceci à travers le tourisme.

Alors, les populations ont hâte de revoir l’activité touristique redécoller, que pouvez-vous leur promettre ?

En tant que sectoriel du secteur du tourisme et des loisirs, des stratégies sont mises sur pied. D’abord nous avons lancé il y a quelques moments des Stratégies de promotion et de découverte. Dans ce package il y a beaucoup de choses qui ressortent au même moment. Il faut faire découvrir aux gens le beau visage de la région de l’Extrême-Nord et également faire de la grande promotion. Ces deux choses vont ensemble. Aujourd’hui nous avons les moyens pour faire la promotion au niveau international notamment avec les sites internet, les réseaux sociaux et autres. Mais cela ne suffit pas car tant que la crise sanitaire persiste, les visiteurs ne pourront pas se déplacer. Mais je pense qu’au niveau du tourisme local il y a beaucoup à faire même si l’on exclut cette double crise. Nous sommes aussi en train de travailler sur le document cadre de développement de tourisme, particulièrement dans la région de l’Extrême-Nord. En effet, ce sera un guide où nous allons insérer toutes les actions et stratégies menées pour permettre au tourisme de se développer. Au niveau national dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND 30), des actions sont mises sur pied par le ministère à travers son chef le Ministre d’Etat qui s’est fixé pour objectif de dépasser les millions de touristes à l’horizon 2030-2035.

Merci Dr Kodji Deli d’avoir répondu à nos questions.

C’est moi qui vous remercie.

 

Propos recueillis par Nicole MASSAÏ

À propos de l'auteur

Nicole MASSAÏ Nicole MASSAÏ

Rédactrice en Chef du Magazine Fadjiri et de la Radio communautaire HOSSERE

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